Comprendre et Prévenir les Déformations Crâniennes Positionnelles du Nourrisson
Introduction
Les déformations crâniennes positionnelles, bien que courantes, soulèvent de nombreuses interrogations chez les parents et les professionnels de santé. Pour éclaircir ce sujet et fournir des informations pratiques, nous avons échangé avec Alexis GUERY, ostéopathe spécialisé en ostéopathie pédiatrique et membre actif de l’association Bébés Plagio 56. Dans cet article, nous explorerons les notions clés autour de la plagiocéphalie positionnelle, ses causes, son impact et les recommandations actuelles pour la prévenir.
La Plagiocéphalie : Définition et Classification
Qu'est-ce que la plagiocéphalie ?
La plagiocéphalie, communément appelée déformation crânienne positionnelle, désigne une asymétrie de la tête d’un nourrisson. Selon l’OMS, cette condition est classifiée dans la Classification internationale des maladies (CIM-10) sous le code Q673. Deux types de plagiocéphalies sont distingués :
- Plagiocéphalie positionnelle : liée aux pressions exercées sur le crâne de l’enfant, elle résulte d’une position prolongée et est généralement bénigne.
- Plagiocéphalie synostotique : causée par une fermeture prématurée des sutures crâniennes, elle nécessite une intervention neurochirurgicale et n’est pas abordée dans cette discussion.
Alexis GUERY a illustré cette distinction en présentant un crâne modèle, montrant les sutures non soudées d’un nourrisson et leur rôle dans la croissance normale du crâne.
Prévalence et Facteurs Contributifs
Depuis les années 1990, les campagnes de prévention contre la mort inattendue du nourrisson, recommandant le couchage sur le dos, ont considérablement réduit les décès mais ont entraîné une augmentation des cas de déformations crâniennes positionnelles. Aujourd’hui, selon les études, entre 20 % et 40 % des nourrissons âgés de 4 mois présentent une telle déformation, en France comme dans d’autres pays occidentaux (États-Unis, Japon, Australie, etc.).
Facteurs de risque principaux :
- Couchage prolongé sur le dos.
- Tonicité insuffisante du cou et de la tête.
- Manque de portage et d’interactions variées, notamment lors des phases d’éveil.
En Afrique, où le portage des nourrissons est plus répandu, les cas de plagiocéphalie positionnelle semblent moins fréquents. Cela met en lumière l’importance du portage pour renforcer la tonicité musculaire et réduire les contraintes positionnelles sur le crâne.
Évolution et Recommandations
La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en mars 2020 des recommandations spécifiques pour la prise en charge des déformations crâniennes positionnelles. Bien que peu relayées en raison du contexte sanitaire de l’époque, ces recommandations visent à :
- Reconnaître le problème en sensibilisant les professionnels de santé et les familles.
- Encourager la prévention via des conseils adaptés aux parents sur le couchage, les moments d’éveil sur le ventre, et les bonnes pratiques de portage.
Le Rôle des Parents
Les parents jouent un rôle central dans la prévention et la correction des déformations crâniennes. Les premières mesures passent par une sensibilisation adéquate et une mise en place de routines adaptées dès les premières semaines de vie.
La prévention et la prise en charge des déformations crâniennes positionnelles : conseils et approches
Les déformations crâniennes positionnelles, bien qu’elles puissent sembler bénignes, nécessitent une attention particulière dès leur détection. Ces déformations, souvent dues à des contraintes sur la tête et le cou du nourrisson, peuvent être évitées ou corrigées grâce à des mesures adaptées. Voici les points clés issus de la discussion.
Le rôle du positionnement et de la motricité libre
La principale stratégie pour prévenir les déformations positionnelles est de veiller à un bon positionnement de l’enfant. Cela implique :
- Éviter les contraintes prolongées sur certaines parties de la tête, comme les positions fixes sur le dos sans mouvements alternatifs.
-
Encourager la motricité libre, en permettant au bébé de bouger sans restriction. Cela inclut :
- Laisser l’enfant sur un tapis adapté, sans accessoires restrictifs tels que des cale-bébés, oreillers ou turbulettes.
- Stimuler le bébé avec des jeux ou objets placés de manière alternée à droite et à gauche pour encourager des rotations de tête équilibrées.
La motricité libre joue un rôle essentiel, car elle favorise les réflexes naturels du bébé, comme le réflexe de poursuite visuelle et le réflexe tonique asymétrique du cou. Ces mouvements permettent au nourrisson de développer sa musculature cervicale et sa coordination.
Les troubles liés au positionnement
Dans certains cas, des nourrissons peuvent présenter des troubles comme des torticolis congénitaux ou posturaux. Ces troubles peuvent limiter la rotation de la tête, entraînant une préférence marquée pour une direction et augmentant ainsi le risque de déformations. Les professionnels recommandent une évaluation par :
- Un pédiatre, qui pourra orienter vers un kinésithérapeute pédiatrique.
- Un ostéopathe spécialisé, qui pourra travailler sur une approche globale, incluant les tensions musculaires et les déséquilibres posturaux.
Facteurs environnementaux aggravants
Certains facteurs externes peuvent exacerber les asymétries :
- Une stimulation sensorielle répétée d’un seul côté (lumières, jouets ou sons).
- Des reflux gastro-œsophagiens ou d'autres inconforts digestifs poussant le bébé à adopter une position de repos asymétrique.
- Les vêtements restrictifs, comme des chemises ou turbulettes trop serrées, qui limitent les mouvements naturels.
Pour éviter ces situations, il est important de varier les stimulations et d’opter pour des vêtements amples qui n’entravent pas les mouvements du bébé.
Conseils pratiques pour les parents
- Surveillez la rotation de la tête de votre bébé. Si une préférence nette pour un côté est observée, consultez rapidement un professionnel.
- Stimulez alternativement les deux côtés. Positionnez les jouets et objets d’intérêt de manière alternée pour favoriser l’équilibre.
- Favorisez un environnement simple et adapté. Un tapis ferme avec des jeux appropriés suffit pour encourager le développement moteur.
- Adoptez une prévention active. Si une déformation est déjà apparente, des exercices spécifiques pourront être recommandés pour limiter la pression sur la zone concernée.
La prise en charge professionnelle
Les déformations légères sont souvent banalisées, mais elles peuvent évoluer si elles ne sont pas prises en charge. Une évaluation précoce et une prise en charge pluridisciplinaire (kinésithérapie et ostéopathie pédiatrique) permettent généralement de corriger la situation en quelques mois.
Même en cas de déformation persistante au-delà de l’âge d’un an, les forces de croissance intracrâniennes contribuent à remodeler la forme de la tête, souvent jusqu’à 3 ou 4 ans. Cela souligne l’importance de ne pas s’alarmer outre mesure tout en intervenant rapidement pour optimiser les résultats.
Approche thérapeutique et outils pour traiter les déformations crâniennes
Importance d'une prise en charge précoce
Lorsqu’un bébé présente une rotation limitée de la tête ou une déformation crânienne visible, il est essentiel d’intervenir dès les premiers mois de vie. Des mesures préventives, comme les conseils de positionnement donnés aux parents ou aux professionnels de la petite enfance, sont généralement mises en place dès que la problématique est détectée. Cependant, si ces conseils ne suffisent pas ou si la déformation est sévère, un traitement plus encadré devient nécessaire.
Les premiers traitements manuels, comme la kinésithérapie ou l’ostéopathie, peuvent être instaurés dès que l’enfant atteint l’âge de deux ou trois mois. Ces interventions précoces offrent les meilleurs résultats, car le crâne du nourrisson est encore très malléable.
L'orthèse crânienne : une solution pour les cas sévères
Dans les cas où la déformation reste importante malgré ces traitements, une orthèse crânienne (un casque sur mesure) peut être prescrite. Cet appareil, conçu pour remodeler le crâne de l’enfant, est généralement porté 23 heures par jour sur une période moyenne de deux mois.
L’efficacité de ce traitement repose sur des mesures objectives réalisées par des professionnels formés à l’évaluation des déformations crâniennes. Ces outils permettent de :
- Identifier le type de déformation (plagiocéphalie, brachycéphalie, etc.).
- Évaluer la gravité (légère, modérée, sévère).
- Suivre l’évolution de la prise en charge.
Approche multidisciplinaire : la clé du succès
Une gestion efficace des déformations crâniennes positionnelles nécessite souvent une approche combinée. Des études récentes, comme celle de l’Université de Scheibel publiée en septembre 2024, confirment que l'association de plusieurs disciplines, notamment la kinésithérapie et l'ostéopathie, donne de meilleurs résultats qu'un simple repositionnement. En effet, l'intégration des compétences des différents professionnels améliore significativement les résultats thérapeutiques.
Formation des professionnels de santé
Pour répondre à la demande croissante des parents et à l'importance d'un diagnostic précis, des formations spécialisées sont désormais disponibles. L’Association Bébé Plagio propose une formation de deux jours qui couvre :
- Les conseils de positionnement.
- L’évaluation motrice des nourrissons.
- L’utilisation d’outils de mesure pour diagnostiquer et suivre l’évolution des déformations.
Ces formations permettent aux professionnels de santé de mieux comprendre les différentes approches thérapeutiques et d’adopter une prise en charge pluridisciplinaire centrée sur le bien-être de l’enfant.
Les associations locales pour un soutien continu
En France, plusieurs associations locales se consacrent à la sensibilisation et au soutien autour des déformations crâniennes positionnelles. Parmi elles :
- ABP56 en Bretagne.
- ABP69 à Lyon.
- ABP74 en Savoie. Ces associations organisent des événements de sensibilisation pour les parents et les professionnels, tout en promouvant une prise en charge collective et collaborative.
Quelques ressources incontournables
Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances, Alexis recommande de consulter des ouvrages et des études sur la motricité des nourrissons et le matériel adapté à leur développement. Par exemple, il souligne l'importance d’un simple tapis et de moments de motricité libre, souvent plus bénéfiques que des équipements sophistiqués.
Conclusion
Les déformations crâniennes positionnelles ne sont pas qu’une question d’esthétique : elles impactent la santé globale et le développement des nourrissons. Une détection précoce, une prise en charge multidisciplinaire et des outils adaptés permettent d’obtenir les meilleurs résultats. En se formant et en collaborant, les professionnels de santé jouent un rôle clé dans l’accompagnement des familles et dans la prévention de ces problématiques.
Pour se former davantage
Si tu veux te former à la prise en charge pluridisciplinaire des déformations crâniennes positionnelles du nourrisson
Sources
📚De la naissance aux premiers pas, Michèle forestier
📚 Mon bébé a la tête plate, je fais quoi ? Piquemal et Larroumet
📚 Les déformations crâniennes positionnelles - une prise en charge pluridisciplinaire par 22 co-auteurs professionnels de santé